Nos intellectuels vont-ils encore frapper ?
Les débats « abracadabrantesques » autour du Budget 2025 font émerger une série de réformes fiscales susceptibles de transformer le paysage immobilier en France. Entre la volonté d’assurer une plus grande justice fiscale (selon leurs critères) et le risque de perturber un marché déjà bien fragilisé, ces mesures pourraient avoir des implications majeures pour les propriétaires et investisseurs.
Voici une analyse approfondie des principaux changements envisagés et de leurs conséquences potentielles.
indexation sur l’inflation et Instauration d’une « flat tax immobilière" ?
Un amendement proposé par Jean-Paul Mattei remet en question le système actuel des abattements progressifs pour durée de détention sur les plus-values immobilières. La nouvelle approche envisagée repose sur deux axes majeurs :
- Indexation sur l’inflation : La valeur d’acquisition d’un bien serait actualisée en fonction de l’inflation, afin de réduire artificiellement les plus-values imposables et d’apporter une forme d’équité fiscale dans un contexte de hausse des prix.
- Adoption d’une flat tax : Les plus-values seraient soumises à un prélèvement forfaitaire unique de 30 % (ou plus), regroupant 12,8 % d’impôt sur le revenu et 17,2 % de prélèvements sociaux.
Cette simplification vise à rendre le régime fiscal plus lisible et prévisible pour les investisseurs.
Toutefois, certaines dispositions actuelles seraient maintenues, notamment l’exonération des plus-values liées à la cession de la résidence principale.
La mise en œuvre de cette réforme serait progressive, avec une entrée en vigueur prévue en 2026 pour les terrains à bâtir et en 2027 pour les biens bâtis.
L’objectif affiché est clairement de décourager la rétention foncière, perçue comme un frein au développement de nouveaux projets immobiliers. Cependant, une telle mesure pourrait paradoxalement provoquer un comportement attentiste chez les propriétaires, accentuant les tensions sur un marché immobilier déjà bien affecté par la hausse des taux d’intérêt, du prix des matières premières et une demande en net repli.
Encadrement des reventes rapides de résidences principales, afin d'éviter l'achat revente avec exonération de la plus value.
L’un des amendements les plus innovants, porté par Peio Dufau, cible les reventes précoces de résidences principales, souvent réalisées dans un but spéculatif.
Aujourd’hui, les plus-values issues de la cession d’une résidence principale bénéficient d’une exonération totale. L’amendement propose de restreindre cette exonération en cas de revente moins de cinq ans après l’acquisition.
Cette mesure vise à limiter ce que l’on appelle les « culbutes spéculatives », où des investisseurs achètent des biens dans le seul but de les revendre rapidement à un prix supérieur.
Des exceptions seraient toutefois prévues pour les ventes motivées par des circonstances spécifiques, comme des changements professionnels, familiaux ou médicaux.
Bien que les recettes fiscales générées par cette mesure devraient rester modestes, son impact symbolique est considérable.
Elle remet en question le statut de la résidence principale en tant que sanctuaire fiscal et ouvre la porte à une révision plus large des avantages fiscaux dont bénéficient les propriétaires occupants.
Rééquilibrer la fiscalité des locations meublées et nues.
Les investisseurs locatifs sont également dans le viseur des législateurs. Un article initialement intégré dans le projet de loi de finances propose de modifier en profondeur le régime fiscal des locations meublées non professionnelles (LMNP), très prisé par les particuliers.
L’idée centrale est de réintégrer les amortissements déduits (seulement dans le cas du régime réel d’imposition) dans le cadre de l’activité locative dans l’assiette des plus-values imposables au moment de la revente.
Ce changement pourrait considérablement alourdir la fiscalité des investisseurs, notamment pour ceux ayant massivement amorti leurs biens.
Cette mesure, bien qu’elle ait été rejetée lors d’un vote à l’Assemblée nationale, pourrait être réintroduite grâce à l’article 49.3, qui permet au gouvernement de faire passer certaines réformes sans vote parlementaire.
Les investisseurs dénoncent son caractère potentiellement rétroactif et appellent à une transition progressive pour leur permettre d’adapter leur stratégie patrimoniale.
Si elle est adoptée, cette réforme pourrait avoir des répercussions importantes :
- Réduction de l’attractivité des biens meublés pour les investisseurs.
- Retour en grâce des locations nues, souvent jugées moins avantageuses fiscalement mais perçues comme plus stables.
Un marché immobilier sous tension.
L’ensemble de ces réformes intervient dans un contexte où le marché immobilier est déjà sous pression. L’inflation persistante, combinée à une hausse continue des taux d’intérêt, limite la capacité d’achat des ménages et freine les transactions.
En tentant de rééquilibrer la fiscalité et de lutter contre certaines pratiques jugées abusives, ces amendements pourraient exacerber les difficultés actuelles :
- Comportement attentiste des propriétaires : L’incertitude liée à l’adoption de ces mesures risque de pousser les vendeurs potentiels à retarder leurs projets, accentuant la pénurie de biens disponibles sur le marché.
- Impact sur la construction de logements neufs : La taxation accrue des terrains à bâtir pourrait freiner le développement de nouveaux projets immobiliers, à un moment où la France fait face à un déficit chronique de logements et à un carnet de commandes presque vide.
- Pression accrue sur les investisseurs : Les propriétaires bailleurs, déjà affectés par des régulations locales comme les encadrements de loyers, pourraient se détourner de l’immobilier locatif en raison de la baisse de rentabilité.
- Sanctions immédiates des petits investisseurs.
Des perspectives incertaines...
Si les réformes envisagées visent une meilleure justice fiscale, leur mise en œuvre devra être soigneusement calibrée pour éviter de déstabiliser davantage un marché immobilier en crise. Les propriétaires, investisseurs et promoteurs suivront avec attention les discussions parlementaires dans les semaines à venir.
Le verdict définitif sur le Budget 2025, attendu pour fin décembre, sera déterminant. Il pourrait marquer un tournant pour le secteur immobilier français en redéfinissant les règles du jeu, mais aussi en modifiant les stratégies d’investissement des particuliers et des professionnels.
Pour les investisseurs, cette période d’incertitude souligne l’importance de s’entourer de conseillers spécialisés capables d’anticiper les impacts de ces changements et d’ajuster les portefeuilles en conséquence. Quant aux propriétaires, ils devront surveiller de près les évolutions pour adapter leurs décisions, qu’il s’agisse de vendre, d’acheter ou de conserver leurs biens.
Dans ce contexte mouvant, l’immobilier reste un pilier central du patrimoine des Français, mais sa gestion exige plus que jamais une vision stratégique et une maîtrise des nouvelles règles fiscales.
